Le symbole est présent dès le Ve siècle av. J.-C., sur des monnaies de Cilicie. Des statères frappés à Tarse montrent à l’avers un cavalier
tenant une fleur de lotus et au revers un archer, un genou à terre ; ce symbole figure à la fois à l’avers et au revers de ces statères. Il disparaît pourtant complètement
du monnayage au cours des siècles suivants, avant de réapparaître sporadiquement durant la seconde moitié de l'ère arsacide.
C'est sous Orodes II (57-38) qu'on voit s'afficher pour la première fois le symbole sur une monnaie parthe.
Parallèlement, le symbole fait son apparition par‑delà les frontières orientales parthes, d'abord en tant que contremarque sur
des drachmes d'Orodes II ou des monnaies locales qui imitent les drachmes d'Orodes II, puis sur le monnayage des souverains indo-parthes, de la fin du Ier siècle avant J.-C. à la fin du Ier siècle
de notre ère environ.
La partie orientale du royaume parthe est envahie par les Sakas (Sacaraucae), des nomades scythes, durant les règnes de Phraates II (132-127 av. J.-C.)
et d'Artaban Ier (126-122 av. J.‑C.). Mithradates II confie aux Suren, la famille noble parthe la plus puissante avec celle des Arsacides, la tâche de reconquérir les territoires
perdus. Les Suren endiguent la progression des Sakas et s'établissent dans la province du Sistan (ou Sakastan, anciennement la Drangiane), avec l'accord de Mithradates II.
La mort de ce dernier vers 91 av. J.-C. inaugure trois décennies de lutte pour le pouvoir ; le royaume parthe est affaibli, le Sistan gagne en indépendance et échappe à la tutelle des Arsacides.
Crassus envahit le territoire parthe en 53 av. J.-C., mais il est stoppé par la cavalerie de Suréna à Carrhes, et les Romains connaissent une défaite sans précédent. Suréna, auréolé
de gloire, ne survivra pourtant pas longtemps à sa victoire ; Orodes II, jaloux ou inquiet de l'immense popularité de Suréna, ordonne son exécution l'année suivante.
On conçoit aisément qu'après l'élimination du vainqueur de Carrhes, la rupture entre la famille des Suren et la famille des Arsacides est consommée.
A partir de là on ne peut qu'émettre des hypothèses. Les Arsacides ont pu adopter un emblème (tamga) et les Suren un autre, ce qui permettait notamment de
différencier l'autorité responsable de leurs émissions monétaires respectives.
Le symbole
Sellwood signale des petits bronzes d'Orodes II avec ce symbole au revers pour les ateliers d'Ecbatane, de Rhagae, de Mithradatkart et de Kangavar
(S.47.44/47). Sur des petits bronzes de Mithradatkart pour Phraates IV (S.51.-), puis plus tard pour Vardanes Ier (S.64.39), il accompagne au revers le monogramme d'atelier.
Sous Vologèses Ier, ce symbole prend place sur les rares drachmes d'argent S.71.2, à l'avers derrière le buste.
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Phraates IV - AE S.51.-
(Photo : VAuctions) |
Vologèses Ier - drachme S.71.2
(Photo : C.N.G.) |
Dans le monnayage de Vologèses III ce même symbole figure au revers de petits bronzes probablement frappés à Ecbatane, ainsi que derrière l'archer
sur les drachmes du type S.78.11, ces dernières manifestement frappées dans un atelier oriental et non à Ecbatane.
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Vologèses III - AE S.78.16
(British Museum OR.8775) |
Vologèses III - drachme S.78.11
(Photo : C.N.G.) |
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Edesse se trouve momentanément sous l’autorité de Vologèses IV, en 163, avant que les Romains n’envahissent l'Osroène, puis la Mésopotamie.
Pendant ce bref épisode des grands bronzes sont frappés à l’effigie du souverain parthe, avec au revers le symbole arsacide, entouré d'une légende en langue parthe qui dit :
"Arsaces, Vologèses, Roi des Rois".
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Vologèses IV - AE S.84.134 - Edesse
(Collection parthika)
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La présence somme toute anecdotique du symbole , sur une poignée de monnaies parthes
seulement, semble indiquer qu'il n'a pas eu une importance primordiale durant l'ère arsacide.
Son rôle d'emblème royal, au moins dans les derniers temps, est cependant souligné par un détail du bas-relief de
Naqsh-e Rostam qui met en scène l'investiture d'Ardashir Ier. Le fondateur de la dynastie sassanide,
à cheval à gauche, reçoit l’anneau du pouvoir d'Ahura Mazda, à cheval à droite. Le cheval d'Ardashir piétine un ennemi vaincu.
Le symbole qui orne la tiare de ce dernier est là pour en donner l'identité : Artaban V, le dernier souverain arsacide.
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Bas-relief de Naqsh-e Rostam
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Le symbole
A partir du milieu du Ier siècle avant J.-C. des drachmes parthes contremarquées sont mises en circulation,
sans doute dans la partie la plus occidentale de la Bactriane.
La contremarque peut être une tête de face (sur des drachmes de Sinatruces) ou une tête de profil accompagnée de la légende TANΛHC
(principalement sur des drachmes de Sinatruces, Mithradates III, Phraates III et Orodes II).
Durant le règne d'Orodes II sont produites également des drachmes qui imitent le type S.47, avec un monogramme formé des lettres ΔP,
abréviation probable de Drangiane, ce qui confirmerait que ce monnayage a été émis au Sistan. Certaines de ces drachmes, ainsi que des exemplaires
officiels d’Orodes II, sont contremarqués avec le symbole . Ce signe distinctif est encore présent,
sous forme de contremarque, sur des imitations locales d'Orodes II ou de Phraates IV avec le monogramme d'Aria. Il est aussi parfois gravé directement sur le coin de revers,
derrière l'archer, sur quelques unes des drachmes d'imitation de Vardanes Ier.
Mais c’est surtout le tamga qu’on va retrouver sur bon nombre des monnaies indo-parthes.
D'après Sellwood, « le symbole est clairement une modification
du symbole employé pour les vraies émissions parthes ». Pour Shore c'est le
« Symbole royal des Sakaraukae », les numismates pour leur part utilisant généralement
l'appellation "symbole gondopharide".
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Imitation des drachmes S.47 d'Orodes II - Monogramme ΔP
(Photo : C.N.G.) |
Imitation S.47 contremarquée
(Photo : CoinIndia) |
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Contremarque sur une drachme S.47.29 d'Orodes II
(Photo : C.N.G.) |
Contremarque sur une imitation de Phraates IV
(Photo : C.N.G.) |
A la fin du premier siècle avant J.-C. Gondophares*, vraisemblablement un membre de la maison Suren**, fonde un royaume indo-parthe qui englobe le Sistan, l’Arachosie,
le Gandhara, et s’étend au sud-est jusqu’au Sindh et au nord-est jusqu’au Jammu. Le Symbole est régulièrement
en bonne place sur son monnayage et sur celui de ses successeurs.
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Royaume indo-parthe au début du Ier siècle de notre ère
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* La date du règne de Gondophares a longtemps été située dans la première moitié du Ier siècle de notre ère. Toutefois, les monnaies d'Orodes II (57-38 av. J.-C.)
contremarquées avec le symbole emblématique du monnayage des Gondopharides placent clairement l’avènement de ces derniers plutôt dans la seconde moitié du Ier siècle avant notre ère.
Dans Indo-Scythian Coins and History, R.C. Senior démontre de façon détaillée que Gondophares a dû régner de 20 à 5 avant notre ère environ.
** Le lien entre les Suren et les souverains indo-parthes est fermement établi.
(Voir notamment Saghi Gazerani, The Sistani Cycle of Epics and Iran’s National History).
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Gondophares (milieu-fin Ier s. av. J.-C.) - Tétradrachme -
Gandhara (Photo : C.N.G.) |
Sarpedones (fin Ier s. av. J.-C. ?) - AE
(Photo : C.N.G.) |
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Orthagnes (début Ier s. apr. J.-C.) - AE
(Photo : C.N.G.) |
Ubouzanes (début/milieu Ier s. apr. J.-C.) - drachme - Sistan
(Photo : C.N.G.) |
Le symbole
Ce symbole arrive beaucoup plus tard, au troisième siècle de notre ère.
C’est le tamga de Shapur Ier et ses descendants uniquement, et non celui de la dynastie sassanide dans son ensemble.
Il orne le carquois de Shapur Ier et le caparaçon de son cheval sur un bas-relief de Firuzabad ; il est également visible sur la tiare d’un des
personnages, sans doute Hormizd, le fils de Shapur Ier, sur un des bas-reliefs de Naqsh-e Rajab. Dans le monnayage sassanide on le trouve
sur l’autel du feu au revers de rares drachmes de Shapur Ier, puis à l’avers ou au revers sur certaines drachmes
d’Hormizd Ier, Bahram II, Narseh et Shapur II.
Il est avéré que la famille des Suren était toujours active dans les sphères du pouvoir sous les Sassanides. C’est sans doute la raison pour laquelle
divers auteurs établissent une parenté entre le tamga des monnaies indo-parthes et celui utilisé sur les drachmes de la lignée de Shapur.
Pourtant, l’un et l’autre sont bien différents ; si le symbole gondopharide, avec ses deux "antennes d’escargot", résiste à l’interprétation, l’emblème adopté par Shapur
est lui à l’évidence l’association d’un croissant de lune et d’un cercle solaire. On peut souligner par ailleurs que son apparition survient près de deux siècles après l’extinction
du dernier des Gondopharides. Aussi, même si la tentation est grande, il semble prudent de ne pas chercher à établir absolument un lien entre ces deux symboles.
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Détail d'un bas-relief de Firuzabad
(Dessin d'Eugène Flandin) |
Drachme de Shapur II (309-379)
(VAuctions 232, 18) |