Sur la durée totale de l'ère arsacide, les drachmes issues des ateliers d'Ecbatane et de Rhagae représentent à elles seules près des trois
quarts de la production totale (environ 90% pour les règnes de Phraates II à Orodes Ier). Une dizaine d'ateliers, d'importance variable selon
la période, complètent cette production. A quelques exceptions près le style des portraits est excellent, et les légendes sont clairement
lisibles, tout du moins jusqu'à Orodes II.
A la différence des drachmes frappées par les principaux ateliers, celles émises par les ateliers orientaux (hormis Nisa et Mithradatkart)
se caractérisent par un style plus fruste que la moyenne, ou une légende fautée, quand elle n'est pas complètement fantaisiste.
MARGIANE
La Margiane est la province située le plus au nord-est de l'Empire parthe ; elle bénéficie d'une situation privilégiée sur la "Route de la soie", axe principal
des échanges entre la Chine à l'Est et la Syrie à l'Ouest. Au IIIe siècle avant J.-C. Antiochos Ier donne le nom d'Antiochia Margiana à la capitale de la province
qu'il vient de rebâtir (plus tard ce sera Merv, et aujourd'hui Mary, au Turkmenistan, à une trentaine de kilomètres des ruines de la cité antique).
Les premières drachmes de Margiane ont été émises pour Phraates II. Elles portent les lettres MA derrière le buste (et semble-t-il MAP sur au moins
un spécimen). Cette marque d'atelier MAP est reconduite à l'avers de quelques drachmes à l'effigie d'Artaban III,
puis est simplifiée en MP sur les rarissimes exemplaires de Mithradates II.
Un petit nombre de drachmes de Gotarzes Ier ont peut-être été produites à Margiane, ainsi que certains spécimens de Sinatruces et de Mithradates III, avec des légendes
plus ou moins fautées. Le style particulier de ces monnaies indique qu'elles n'ont été frappées ni à Ecbatane ni à Rhagae, mais en l'absence de toute marque d'atelier
leur attribution reste discutable.
Le type S.30.20 d'Arsaces XVI présente un style tout aussi rudimentaire que le type S.30.21, qui lui porte le nom de la cité en intégralité ;
les deux appartiennent donc sans ambiguïté à Margiane.
Sous Phraates III, la qualité stylistique des coins gravés à Margiane est inégale, mais les titulatures sont bien lisibles dans l'ensemble.
En revanche les légendes deviennent partiellement indéchiffrables sur les drachmes de Mithradates IV.
Pour Orodes II les différences de style de l'effigie, d'une émission à l'autre, sont très marquées ;
les légendes des types S.43 et S.45 sont correctes, quoique disposées de façon inhabituelle (voir plus bas),
mais celles des types S.46 et S.47 sont parfaitement incohérentes, ainsi plus tard que celles des drachmes de Phraates IV de ce même atelier.
Au revers, la lettre qui caractérise cet atelier ressemble toujours beaucoup plus à un Π qu'à un M.
Phraates III S.35.– (Photo C.N.G.) | Phraates IV S.52.19 (Collection parthika) |
Les émissions plus tardives avec cette marque d'atelier ne sont plus en argent mais en bronze, et on ne peut affirmer si ce sont des frappes officielles ou des imitations produites
à l'initiative de souverains locaux. Le type S.57.14, avec des victoires de part et d'autre de l'effigie, copie la drachme d'argent S.57.13 de Phraataces, et les spécimens S.63.16
prennent modèle sur les drachmes d'Artaban IV de Mithradatkart. Les frappes postérieures, encore plus frustes, ne permettent pas d'identifier le souverain avec certitude.
Vers le milieu du premier siècle de notre ère Sanabares entre en dissidence contre les Arsacides et créé son propre royaume, centré au nord
sur la Margiane. De nombreuses "drachmes" de bronze, dans la continuité de la production précédente et avec le même monogramme Π, sont émises durant cette période.
TRAXIANE
La Traxiane est une région du nord-est de l’Empire parthe, située entre l’Hyrcanie et la Margiane. La localisation exacte de la cité
qui a frappé les drachmes portant la marque T reste sujette à controverses. Plusieurs hypothèses ont été avancées, mais elles vont
de Damghan à l’Ouest jusqu’à la vallée de l’Amou Daria (anciennement Oxus) à l’Est, en passant par Mashhad (Iran), à 250 kms au
sud-ouest de Margiane. Les deux premières propositions ne sont guère crédibles, car trop excentrées par rapport à la situation supposée
de la province de Traxiane. Grâce à la numismatique, on va voir ci-après que l'hypothèse des environs de Mashhad est en revanche
vraisemblable.
Ce qui est sûr c’est que l’activité de cet atelier a dû être très anecdotique, car ses drachmes comptent parmi les plus rares
du monnayage parthe. On en connaît pour Arsaces XVI, avec le nom Traxiane en toutes lettres, puis pour Phraates III, Mithradates IV et
Orodes II, avec la lettre T au revers, ces dernières souffrant d'un style grossier et de légendes partiellement ou totalement illisibles.
Les drachmes d'Arsaces XVI ont toutes les caractéristiques stylistiques de celles de Margiane, aussi il est évident qu'au moins une partie
des coins de ces deux ateliers ont été réalisés par les mêmes graveurs. Plus encore, les deux monnaies ci-dessous, l'une avec
MAPΓIANH au revers, l'autre avec TPAΞANH, partagent le même coin d'avers. Tout porte donc à croire que ces deux ateliers
étaient suffisamment proches géographiquement, à l'échelle de l'Empire parthe, pour pouvoir employer les mêmes artisans. On peut aussi
imaginer que l'atelier de Margiane était en charge, en plus de ses propres frappes, de la faible production des drachmes destinées à
Traxiane.
S.30.21v. - Margiane (Photo Apollo Numismatics) | S.30.22 - Traxiane (Photo C.N.G.) |
ARIA
Aria (aujourd'hui Herat, Afghanistan) se situe aux confins orientaux de l'Empire parthe, entre la Margiane au nord et la Drangiane au sud.
Le nom d'Aria désigne, comme pour Margiane et Traxiane, à la fois la province et sa capitale.
A partir de Phraates III, les drachmes de cet atelier se distinguent par un petit "A" ou un ,
qu'on ne peut confondre avec le monogramme d'Ecbatane. Ces drachmes se révèlent extrêmement rares : Guère plus de soixante-dix spécimens, tous règnes confondus,
sur l'ensemble des monnaies parthes de la base de données de parthika.
Arsaces XVI - Aria (Photo C.N.G.) | Mithradates IV - Aria (A.N.S. 1944.100.82635) |
NISA et MITHRADATKART
Etablie à une vingtaine de kilomètres de l'actuelle Ashkhabad, au Turkmenistan, la cité de Nisa, première cité à frapper pour les Parthes,
passe pour avoir été édifiée par Arsaces Ier au IIIe siècle av. J.-C. et avoir pris le nom de Mithradatkart sous
Mithradates Ier. Pourtant, la numismatique démontre que les ateliers de Nisa et Mithradatkart ont fonctionné
simultanément sur la période allant de Phraates III à Vardanes Ier. L'existence de deux ateliers extrêmement proches reste une énigme,
mais c'est un fait incontournable.
A l'étude des drachmes de Mithradates IV, Orodes II et Phraates IV, on constate que la majorité des coins destinés à ces deux ateliers
ont été produits par les mêmes artisans. Cependant, si le style des effigies gravées à Mithradatkart est toujours excellent
jusqu'à Orodes II, on trouve quelques drachmes de Nisa au style très fruste, à l'instar de celles
des autres ateliers orientaux ; il faut aussi remarquer que les légendes des drachmes de Mithradatkart deviennent partiellement illisibles
dès Mithradates IV. Par ailleurs, autant les drachmes produites par Mithradatkart durant les règnes de
Phraates III à Phraates IV sont plutôt communes, autant celles avec la marque de Nisa sont rares,
voire rarissimes pour certains types.
Exemple de deux drachmes manifestement issues de coins réalisés par le même graveur, l'une pour Mithradatkart et l'autre pour Nisa | |
Orodes II - Mithradatkart (Collection parthika) | Orodes II - Nisa (Photo Irantik) |
DES ATELIERS ORIENTAUX NON IDENTIFIÉS
Un nombre indéterminé d'officines non officielles ont elles aussi produit un monnayage d'argent, bien qu'à usage vraisemblablement purement local,
durant les règnes d'Artaban III et de Mithradates II. Le style de ces drachmes se démarque d'emblée de celui des autres ateliers,
y compris des ateliers orientaux précédemment évoqués. Le manque d'homogénéité dans le style de ces monnaies, qui par ailleurs sont assez peu
communes, démontre l'intervention de graveurs différents et donc une production aussi éparpillée que sporadique.
Pour Artaban III une poignée de drachmes de type S.20, visiblement du même graveur, témoigne de la production un peu plus consistante
d'un de ces ateliers. On remarque également une série de drachmes S.28 de Mithradates II au style bien caractéristique ;
le nombre substantiel d'exemplaires de cette série, comprenant plusieurs types issus de coins gravés par
le même artisan, laisse supposer que l'atelier à l'origine de ces frappes était relativement important. S'agit-il du même atelier que celui qui a émis
les drachmes S.20 mentionnées ci-dessus ? Quelle pouvait bien être sa localisation exacte ? Ce monnayage reste pour une bonne part énigmatique.
Artaban III - S.20.1 v. Effigie et revers très frustes, légende peu lisible (Photo C.N.G.) |
Mithradates II - S.24.9 v. Style grossier, légende formée de simples points (Photo C.N.G.) |
Mithradates II - S.28.1 v. BAΣIΛEVΣ au lieu de BAΣIΛEΩΣ (Photo C.N.G.) |
Mithradates II - S.28.– BAΣIΛEVΣ au lieu de BAΣIΛEΩΣ (ANS 1944.100.82492) |
L'AGENCEMENT INSOLITE DES TITULATURES DE CERTAINES DRACHMES DE MARGIANE
A la différence des types postérieurs, les drachmes S.43 et S.45 émises à Margiane pour Orodes II sont parfaitement lisibles,
mais l'agencement des divers qualificatifs qui forment la légende est bien peu académique. Alors que l'uniformité est de règle au revers des
drachmes parthes, ces monnaies sont tout à fait atypiques et il est donc intéressant de les examiner de près, d'autant plus que l'amateur
peu habitué à ce monnayage risque d'avoir du mal à en déchiffrer les légendes de prime abord.
DES MONNAIES INÉDITES
Le monnayage parthe, trop longtemps délaissé, en particulier celui des ateliers orientaux, réserve encore son lot de surprises et de temps à autre
émerge une monnaie inédite.
L’effigie de cette drachme rappelle les spécimens S.45 frappés à Margiane (cf. monnaie précédente : le visage, la coiffure, le torque),
mais aussi, dans une moindre mesure, ceux issus de Traxiane (l’œil). Le style du revers et la légende se retrouvent par ailleurs à l’identique
sur une drachme S.43.9 avec le monogramme de Traxiane (CNG 400, 413).
On a pu vérifier (voir plus haut le paragraphe sur Traxiane), que la production de Margiane et de Traxiane étaient au moins partiellement
à mettre au compte des mêmes graveurs. Il sera donc difficile d'attribuer cette drachme à l’un plutôt qu'à l’autre de ces deux ateliers,
mais on peut exclure sans risque que le monogramme du revers désigne Nisa.
Cette drachme est inconnue de Sellwood et absente des collections publiques et des bases de données à notre disposition.
Le MEΓAΛoY sur la deuxième ligne du revers nous oriente vers les types S.36 ou S.40, mais l'effigie ne correspond
ni à Phraates III, ni à Mithradates IV, qui porte toujours un collier à maillons. Cette monnaie a donc probablement été frappée pour Orodes II,
le qualificatif MEΓAΛoY pouvant apparaître exceptionnellement dans son monnayage (sur les types S.43 émis à Aria par exemple).
On remarquera que les deux lignes du bas de la légende sont similaires à celles de la monnaie précédente.
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